lundi 27 août 2007

Pour une histoire des discours critiques

Emmanuel Burdeau : On pourrait le dire d'une autre manière : il s’est écoulé cinquante ans depuis l’âge de la grande cinéphilie classique, les Cahiers jaunes, Truffaut, Godard et les autres. Cela fait donc cinquante ans que la critique vit avec cet héritage, cette ombre au-dessus d’elle. Le temps est donc venu d'en faire l’histoire, ce qui n’a rien à voir avec une remise en cause. Jusqu'à preuve du contraire, la critique continue de travailler avec qui s’est énoncé alors.

La critique ne s’est pas constituée en discipline universitaire. Bien que très bien considérée en France, elle demeure dans un entre-deux, ou plutôt un entre-trois : entre journalisme, littérature et activité de pensée. Son lieu reste incertain. Et son existence même : fragile. Beaucoup continuent à ne pas accepter qu’il puisse exister des discours au « second degré » sur les œuvres. Le commentaire a mauvaise presse. Alors, que la critique devienne en plus le commentaire d'elle-même, cela peut faire fuir. Or c’est aujourd’hui absolument nécessaire. Il faut que la critique se connaise mieux, qu’elle comprenne où sont ses puissances, mais aussi pourquoi aujourd’hui, et depuis pas mal de temps, elle est devenue plus ou moins impuissante. Il faut faire une Histoire des discours critiques, c’est une des urgences actuelles, et un premier aperçu de ce qu’il y a d’« énorme » dans ce que Catherine Bailhache a dit en commençant.

Catherine Bailhache : On reviendra sur tout cela tout à l'heure. Christophe, tu n'es pas tenu forcément de te situer en réaction avec ce que dit Emmanuel pour l'instant. Dis-nous ce que tu en penses, ou autre. On n’a pas l’obligation de tenir un fil absolu.

Christophe Kantcheff : Je partage avec Emmanuel l'idée que tout cela est énorme et que ça sera difficile d'aborder toutes les questions en trois heures. C'est déjà beaucoup mais c'est trop court.

Catherine Bailhache : Bien sûr. Voilà pourquoi il y aura d'autres étapes.

Christophe Kantcheff : Tout d'abord, il faut vraiment que je remercie Catherine de nous avoir embarqués dans cette aventure.

Hormis Catherine et Fabrice, je n’avais jamais rencontré les autres personnes qui sont à cette tribune. Emmanuel et moi, nous nous sommes juste croisés à Cannes cette année, quelqu'un nous a présenté mais nous n’avons pas vraiment eu l’occasion de nous parler, sinon pour nous donner rendez-vous ici.