jeudi 2 août 2007

Une sorte de tension, toujours, entre quelque chose qui pourrait être populaire et quelque chose qui est minoritaire

Catherine Bailhache : Albert Serra, demain il fera un deuxième film, un troisième et puis peut-être un jour il y aura beaucoup de spectateurs pour ses films, il sera devenu populaire...

Emmanuel Burdeau : A qui allez-vous faire croire ça?

Catherine Bailhache : J’ai dit « peut-être ». C’est toujours pareil : avant, personne n’y croit, après, personne ne se souvient qu’on l’avait annoncé ; alors pour comparer des gens qui ne sont pas forcément comparables du point de vue de l’esthétique, mais là n’est pas la question : quand on a vu arriver Caro et Jeunet avec le Bunker de la dernière rafale , et qu'on a montré ce film, personne n'aurait imaginé la carrière qu'ont eu ces réalisateurs par la suite.

Emmanuel Burdeau : Et c'est le même qui a fait Amélie Poulain...

Catherine Bailhache : Oui et puis beaucoup d'autres films qui réalisé énormément d'entrées...

Emmanuel Burdeau : C'est vraiment un mauvais exemple !

Catherine Bailhache : C'est juste pour dire qu'y compris ces gens-là ont commencé avec des films qui ne faisaient pas un kopec. Je trouve que dans ce que dit Thierry, il y a quelque chose de juste, et non pas romantique : il existe des réalisateurs qui portent en eux, dès le début de leur carrière, quelque chose de fondamentalement populaire, même si les résultats du côté des entrées ne viennent pas tout de suite corhoborer. L'un n'empêche pas l'autre !

Thierry Lounas : Je tiens à modérer un peu. Peut-être s'éloigne-t-on du débat, je pense qu'il y a un vrai problème de taille critique. Je l'ai bien vu en portant le film d'Albert, il n'y a pas d'engouement possible pour le film. C'est-à-dire qu'à un moment on est tellement en dessous de la taille critique que c'est pas parce qu'il y a plus de spectateurs qu'il y aura plus de copies, personne ne peut prendre le risque de passer quelques séances du film dans sa salle. Il n'y a aucune salle à Paris qui pourrait passer plein pot le film d'Albert pendant six semaine et se dire : j'en vivrai. Ce n’est pas vrai. Et à partir du moment où tu n'as pas cette possibilité, au moins avec cette salle-là, rien ne peut plus arriver. Aucun événement ne peut se produire autour du film et c'est ça le problème, à mon avis aujourd'hui.