dimanche 22 juillet 2007

A suivre…

Fabrice Ricque : Il faut conclure. Je vais clore simplement en essayant de répondre un petit peu à tout le monde de façon naïve...

En ce qui concerne la politique, on se trouve confrontés à des politiques cinématographiques régionales ou départementales qui sont plus proches de plans de communication que de véritables mise en valeur du travail des salles et des œuvres elles-mêmes. Une politique d'aide régionale ou départementale plus sélective serait souhaitable afin de ne pas entretenir l'écart généré par la pression du box-office, de respecter et maintenir le maillage des salles et la spécificité de leur travail.

Je suis partisan du soutien des films en salle, sinon, nous ne serions pas là. En même temps, je pense que l'exception ne doit pas devenir la règle. J'ai toujours peur que les spectateurs identifient un film avec accompagnement comme étant un film malade et qu’ils rechignent à venir.

Concernant le fait de parler d'un film avant sa sortie : je suis programmateur, le moment où je décide de programmer les films se déroule un ou deux mois avant leurs sorties, voire encore plus tôt. Bien plus tard, quand le film est à l’affiche, des spectateurs m'accostent ou m'interpellent pour me dire : « Pourquoi avez-vous programmé ce film puisque les critiques sont mauvaises? » Les critiques sortent en même temps que le film et moi je suis déjà daté, je ne peux plus reculer ! Je pense qu'il faudrait un travail de défrichage qui serait utile aux exploitants et aux programmateurs, notamment lorsque vous repérez un film comme ça l'a été pour Honor de cavalleria. J'ai eu le privilège de le voir à Cannes et j'attendais avec impatience sa sortie puisque, dès Cannes, je savais que je le montrerais. Je n'ai pas la possibilité d'aller dans d'autres festivals, repérer d'autres films. Quand on est programmateur, on doit faire feu de tout bois, on doit s'alimenter, se nourrir de tout ce qui sort pour ensuite le digérer puis le transmettre. Je pense que c'est important que, de temps en temps la critique ne soit pas liée à l'actualité. Celle-ci est étouffante : quinze films sortent en moyenne par semaine, cela fait soixante films par mois.

Cela-dit j'achète les Cahiers et Positif. Je lis Positif puis je vais me confesser avec les Cahiers, comme ça j'ai la conscience tranquille. Ce sont quand même de sacrés indicateurs, quand les Cahiers sont très enthousiastes sur un film, je sais que j'aurai peu de monde en salle ! Je le dis de façon comique mais en même temps cela m'attriste quelque part ! Quand il y a un grand sourire dans Télérama, je sais qu'il y aura des spectateurs dans la salle, si Télérama tire la grimace, des gens ne viendront pas, parce qu'ils s'y fient aveuglément. Les spectateurs ont peur des films, ils ont peur du cinéma, le fait de lire des critiques leur permet de mettre des mots sur les sentiments, les émotions qu'ils ressentent en regardant un film et qu'ils n'arrivent pas à trouver eux-même. Quand vous, vous êtes en salle en train de défendre un film, les spectateurs présents, qui sont courageux de venir et qui peuvent mettre des mots sur ce qu'ils ressentent parce que vous les transmettez, c'est déjà une très grande chose, la fois d'après, ils viendront, parce qu'ils se diront qu'ils ont la possibilité d'avoir comme un interprète, un intermédiaire entre le film et eux. Il y a de l'humilité chez le spectateur, et dire « J'aime » ou « J'aime pas » c'est aussi une façon de se protéger.

Ceci n'est pas une conclusion, vous devez tous prendre des trains, je vous remercie d'être venus, merci au public d'être venu, et contre vents et marées : on continue.


Mont-Saint-Aignan,
le 3 juin 2007.