jeudi 2 août 2007

C'est aux pouvoirs publics de mener une politique offensive

Thierry Lounas : Qui doit mener une politique? Je pense que dans beaucoup d'endroits, c'est aux pouvoirs publics de mener une politique offensive, et j'ai l'impression que c'est pas toujours le cas. J'ai vu des régions qui accompagnaient France 3 sur une politique très très pauvre en terme de contenu éditorial de création, etc, en donnant des sommes d'argent assez considérables. Et ça, je sais pas si c'est la mission d'une collectivité, d'une région, d'un conseil général, d'une mairie, c'est à dire qu'à un moment il va falloir être très offensif, la résistance doit s'organiser et les missions de service public deviennent de plus en plus confuses autour du cinéma. Je pense que c'est valable pour les salles de cinéma notamment. L'accompagnement des films, tout ce dont nous venons de parler aujourd'hui, est très peu valorisé, je ne sais pas ce qu'il en sera demain.

Catherine Bailhache : Oui. La question que tu viens de soulever, n'obère cependant pas la critique de devoir y réfléchir. Aujourd'hui, il me semble que nous sommes tous amenés à sortir de notre rôle traditionnellement défini, afin de mettre en avant et en évidence un certain type de films, de ces films forts esthétiquement mais faibles du point de vue du marché.

Quand j'entends les critiques dire très régulièrement : « On souhaite aller dans les salles rencontrer le public ; on est conscients qu’ainsi on soutient le film ; et nous considérons qu’en faisant cela, c’est encore une manière, différente et complémentaire de faire notre travail.» Je suis d'accord, je pense que c'est assez juste. Mais, pour moi, la question de l'amont n'est pas suffisamment posée. C’est là que se jouent les choses pour ces films !

Toi-même qui es distributeur, tu as accepté de la jouer, cette carte. Tu as compensé le manque de moyens en décidant, de façon tout à fait exceptionnelle pour un distributeur, de t'occuper concrètement de préparer la sortie d’Honor de Cavalleria, au quotidien, jour après jour, dès le mois de septembre / octobre pour un film dont tu avais annoncé à l'époque qu'il ne sortirait qu’au mois de février suivant, six mois plus tard – sachant qu'ensuite il a même été repoussé d'un mois supplémentaire. Le seul luxe dont on a tous disposé à ce moment là grâce à ta stratégie, ça a été le TEMPS. Et c'est aussi ce qui a permis au film d’exister. En tout cas, on ne peut pas dire que c’est grâce à l’argent, aux grands médias ! Ce qui d’ailleurs était prévisible, qu’on avait compris globalement, parce que c’était facile à prévoir !

Entre le moment où tu démarres, où tu commences à en parler – et en parler c'est aussi en faire la critique : ça le fait exister dans certaines têtes –, entre ce moment-là du départ et le moment où le film, officiellement, arrive enfin dans les salles, plus s’écoule du temps, plus il y a de travail, un travail en soi, très particulier, spécifique et long, où le temps joue un rôle primordial, un travail qui consiste À FAIRE CONNAÎTRE le film, surtout à le rendre désirable, entre autre aux yeux de ceux qui à leur tour le programmeront, plus on donne au film des chances de rencontrer son public, au public de rencontrer le film. Et qui que ce soit qui se mette à l’œuvre (si je puis dire !), tous, nous devons participer à cela, nous qui ne sommes déjà pas si nombreux. Il faut le faire simplement parce qu’au fond, c'est le seul moyen de faire exister ces films-là réellement.