vendredi 3 août 2007

De la nécessité d'une opposition, même minoritaire, pour qu'existe un débat critique public, face à la force d'intimidation par l'uniformisation

Yves Masson (spectateur) : C'est un problème, c'est un vrai problème ! Entre la peur du public, d'aller sur des choses... ils ont peur : un truc sous-titré, un film sur grand écran, qui n'est pas à la maison. Aujourd'hui ça fait partie du buzz. Sans aller jusqu’au au film de Monsieur Serra, en parlant de films peut-être moins ambitieux, un peu moins expérimentaux, même pour ceux-là, sortis de Spiderman III qu’on va voir en famille, il y a quand même une peur.

A mon travail, mes collègues, ils sont allés en Chine. Je me suis amusé à faire de la promotion sur la messagerie de mon travail : je leur ai balancé un film chinois sous-titré, un opéra, et puis un manga qui sortait à ce moment-là, je leur ai fait un kit de la consommation. En retour, je ne veux pas savoir. Mais il y a quand même une peur. Après, on disait : « Mais un film chinois sous-titré… » Et pourtant ce n’était pas A l’ouest des rails ! J’y avais été mollo quand même ! Et puis la visibilité des choses… Enfin, regardez, on est dix, c’est quand même le bordel !

Christophe Kantcheff : je suis entièrement d'accord...

Yves Masson : Pour reprendre sur le nombre de caractères, j'ai relu les papiers de ... De l'ancien animateur du Masque et la plume, le critique de cinéma...

Emmanuel Burdeau, Thierry Lounas, Catherine Bailhache (en chœur) : Bory.

Yves Masson : Les papiers de Bory dans le Nouvel Obs, c'est quatre pages ! Il allait à des festivals de cinéma africain, à Ouagadougou, il faisait quatre pages la dessus !

Chistophe Kantcheff : C'est ce qu'on disait tout à l'heure. Aujourd’hui, vous demandez d’aller à Ouagadougou pour un festival de cinéma à un chef de service culture dans un journal, ou un rédacteur en chef, il vous répondra que ce n’est pas possible, que cela revient trop cher. Mais les réductions financiaires se font ressentir partout. Par exemple, cette année, Libération a bien couvert Cannes avec six journalistes. A l'époque de Serge Daney, ils étaient douze ! Pourquoi dans le Monde, n’y a-t-il pas eu des articles sur les films de l'ACID à Cannes ? Alors qu'il y a trois ans encore, c’était le cas. Pour la même raison : il y a moins de journalistes présents.

Si je me sens l’allié des Cahiers sur la question de la critique, j’ai l’impression que mon propos se situe en-deçà de la discussion que nous venons d’avoir sur la manière d’articuler la pensée critique. Mon propos concerne avant tout les possibilités de survie du débat critique, pour que soit préservé, en quelque sorte, un espace public autour des œuvres, qui fasse un tant soit peu écran entre elles et le discours promotionnel, la « censure économique » et désormais les censures plus traditionnelles qui réapparaîssent (venant de l’État, de l’Église…). Il est nécessaire que soit maintenue une opposition à cette puissance intimidante qu’est la communication.