vendredi 10 août 2007

Parler des films qui sortent sur les écrans implique implicitement une liberté de discours

Albert Serra : Pour revenir sur les propos d’Emmanuel. Moi, je suis content que les Cahiers parlent seulement des films qui sortent en salles. J’y suis favorable. C’est une manière pragmatique de garder cette autonomie qu’on évoquait. Les Cahiers sont là pour parler de cinéma, pas pour donner envie aux gens d’aller voir des films. Suivre cette tradition héritée des années 50 de parler des films qui sortent sur les écrans implique implicitement une liberté de discours. Sinon, c’est sans fin. Tu te retrouves à parler de tout, de petits films, de petits courts métrages, d’histoires ridicules, parce que tu crois qu’il y a là quelque chose d’important, des indices, qui indiqueraient que les films méritent de sortir. Non. Peu importe que les films qui sortent soient bons ou mauvais. Ce qui compte c’est le tout cinéma dont parlait Emmanuel : ce sont les films qui sortent.

Peut-être que la réponse à la question, c’est… peut-être qu’on peut relever, comme tu le dis, Emmanuel, dans la préface que tu as rédigée pour la réédition du livre Les films de ma vie de François Truffaut que le tout cinéma jusque dans les années 80/90 était très fortement lié à la vie. Il ne s’agissait pas de dire d’un film qu’il était populaire, ce qui comptait c’était le fait qu’il soit proche de la vie. Aujourd’hui, on a perdu quelque chose de cela, la raison peut-être serait celle-là : on a la sensation que les films récents ne sont pas proches de la vie, que ce n’est pas du cinéma.